DIVERSIFIER LE SOURCING, DES JEUNES AUX DEMANDEURS D’EMPLOI

Si le diplôme ne peut plus être la condition absolue d’une candidature, faute de candidats qui le détiennent, il faut s’interroger sur ses critères de recrutement alternatif : pour un technicien géomètre, un profil bac+2, si possible scientifique ? Un goût pour la technologie et le numérique ? Un intérêt pour les thématiques porteuses de sens, traitées par la profession ? Autrement dit, comment évaluer avec attention le potentiel du candidat au regard de l’emploi proposé, pour sécuriser l’investissement en temps qui lui est consenti et le fidéliser durablement ?

C’est aussi une question d’ouverture d’esprit. Les expériences des meilleurs candidats ne sont pas toujours celles qu’on croit… « La profession dispose d’un gros potentiel avec les militaires », constate par exemple Peggy Wijnker, formatrice au titre professionnel « technicien géomètre en cabinet », à l’Afpa de Champs-sur-Marne. « C’est un très bon public pour plusieurs raisons : une
habitude du travail en extérieur, une forte organisation, un soin pris au matériel, une rigueur, une maturité. »

« Recruter des professions connexes, c’est une richesse pour nos équipes », note Amandine Bouchon, géomètre-expert à Rochefort (Charente-Maritime). « On a aussi là une formidable opportunité de féminisation de notre profession. Aucun argument objectif ne justifie le caractère prétendument masculin de nos emplois. Augmenter la mixité, c’est s’ouvrir à de nouveaux regards et, concrètement, c’est doubler le vivier potentiel de nos candidats ! »

 

DÉMULTIPLIER LA COMMUNICATION AUX CIBLES ET À LEURS PRESCRIPTEURS, AUGMENTER SONATTRACTIVITÉ

Les instances de la profession ont beaucoup travaillé sur la promotion de ses métiers, et elles ont bien l’intention de maintenir leur effort. Mais cela ne fait pas tout. Le rôle des entreprises de géomètres-experts est fondamental. C’est sur le terrain, de personne à personne, qu’on peut emporter la conviction. Et pas seulement auprès des candidats, il faut toucher aussi les prescripteurs : ceux qui vont conseiller à un jeune ou à un demandeur d’emploi de s’orienter vers la profession. Autrement dit, les familles, les lycées, les conseillers pour l’emploi, en évolution professionnelle, etc.

Mais que peut faire une entreprise de géomètres-experts en la matière, au-delà d’une belle communication sur son site Internet ou sur ses offres d’emploi ? Parler et faire parler du métier par les professionnels de son équipe, dans toutes les occasions : présentations dans les collèges et lycées, accueils de stagiaires jeunes et adultes, participations à des journées portes ouvertes, interventions dans les salons de l’orientation, dans les réunions d’information de demandeurs d’emploi, etc. « Pourquoi ne pas parler aussi à nos clients particuliers de nos opportunités d’emploi ? », suggère Wilfried Maduli. « Pour récolter un peu, il faut accepter de semer beaucoup. »

Communiquer c’est convaincre, et les arguments choisis pour valoriser l’entreprise doivent faire mouche auprès des cibles que sont les jeunes et les demandeurs d’emploi. Ils seront en particulier
sensibles aux valeurs véhiculées, au « sens » donné à l’activité, à l’engagement en matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) notamment.

 

FORMER LES ENTRANTS : LES FORMATIONS « CERTIFIANTES » (DIPLÔMANTES) DÉDIÉES À LA PROFESSION

Il n’y a pas que le BTS pour former un technicien géomètre. D’autant que cette formation peut être jugée trop longue pour une reconversion. Le ministère du Travail, par le biais des services l’ingénierie de l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) et avec les professions concernées, a refondu l’année dernière ses « titres professionnels » de techniciens supérieurs géomètres. Ces « titres » certifient les compétences acquises en formation au même titre que les diplômes, mais ils sont davantage conçus pour les personnes déjà dans la vie active. Ils sont découpés en « blocs », c’est-à-dire en 3, 4 ou 5 parties homogènes pouvant faire l’objet d’une formation et d’une évaluation autonome. Ces blocs permettent ainsi aux demandeurs d’emploi de ne se former que sur les compétences qui leur manquent, ou d’y accéder par étapes. La profession est par ailleurs en cours de refonte de ses « certificats de qualification professionnelle » (CQP),  une autre forme de diplômes, conçus directement par les branches d’activité. « Ils permettront de faire accéder nos techniciens géomètres généralistes à des emplois de spécialisations de niveau bac+3: topographie, infrastructure, foncier. Ou de former directement des entrants à ce niveau-là », déclare Yves Sarrat, géomètre-expert et chef de file de ce chantier pour l’UNGE.

 

SOUTENIR LES ORGANISMES DE FORMATION DANS LE DÉVELOPPEMENT D’UNE OFFRE EN PLEINE ADÉQUATION AVEC LES BESOINS

Il n’y a pas que les établissements de formation pour les jeunes qui souffrent d’un déficit d’enseignants spécialisés. Les organismes de formation pour les demandeurs d’emploi ont aussi des problèmes de recrutement de formateurs. Qu’y peuvent les entreprises de géomètres-experts ? Plus qu’on ne croit : elles peuvent dépêcher leurs professionnels les plus expérimentés pour assurer certains modules de formation. Ce n’est pas une perte, puisque c’est rémunéré ; surtout, c’est une belle tribune pour faire connaître aux futurs diplômés les atouts de son entreprise… Et repérer les meilleurs. Le professionnel formateur y voit une reconnaissance de son expérience et peut être sensible à la promotion de son métier et à la formation d’une relève pour l’avenir.

Plus globalement, soutenir le développement d’un organisme de formation dans sa région, c’est se garantir la qualité des formations de ses futurs employés. Cela n’implique pas forcément un gros effort : en particulier, mieux faire connaître ses besoins, qualitativement et quantitativement, aidera l’organisme à améliorer sa pédagogie, à choisir les formateurs adéquats, à oser investir en matière d’équipements et de logiciels. L’Education nationale, par exemple, ne peut ouvrir de nouvelles sessions qu’après que la preuve a été faite d’une demande quantifiée sur le bassin de l’établissement.

Pour aider les entreprises, l’UNGE et les autres organisations de la branche identifient, animent et développent un réseau régional d’organismes de formation. Il s’y trouve l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes, positionnée de longue date dans la formation des demandeurs d’emploi, qui propose des formations spécialisées dans au moins trois centres (Champs-sur-Marne, Egletons, Doué-la-Fontaine) et qui a l’intention de s’élargir à d’autres régions (récemment à Marseille par exemple) ; plusieurs des organismes dédiés à l’apprentissage et à la formation des salariés et demandeurs d’emploi de l’Education nationale, dénommés « Greta », appuyés sur le corps enseignant et les équipements du BTS ; enfin, quelques organismes privés qui se sont positionnés sur la profession.

 

MOBILISER LES DISPOSITIFS LES PLUS EFFICACES, DE L’APPRENTISSAGE AU COMPTE PERSONNEL DE FORMATION

POE, CPF, AFPR, ProA… Que d’acronymes obscurs ! Comment une entreprise de taille modeste peut-elle trouver le temps d’investiguer « le maquis de la formation professionnelle»?
Pourtant ce n’est pas si compliqué. A chaque situation, un dispositif.

Certains de ces dispositifs présentent un intérêt particulier pour la profession. Par exemple, des POEC (préparations opérationnelles à l’emploi collectives) d’assistant technicien topographe viennent d’être déployées par l’Opco Atlas pour la première fois dans cinq régions expérimentales (Auvergne-Rhône-Alpes,
Ile-de-France, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Paca). Des dizaines de professionnels formés seront bientôt à disposition des entreprises de géomètres-experts. Cette première édition devrait ensuite se généraliser à l’ensemble du territoire.

L’apprentissage, de son côté, est connu pour être un moyen très pertinent pour attirer, dès l’obtention du diplôme, un jeune dans une profession à faible notoriété. L’apprenti aura en effet le loisir de découvrir tous les atouts d’une entreprise de géomètres-experts pendant sa formation. Et d’y rester. Sans compter qu’il aura déjà été formé aux méthodes spécifiques de cette structure. Et que le quota obligatoire en BTS de jeunes en provenance des bacs professionnels ne s’applique pas à l’apprentissage.

Signalons aussi l’intérêt du « CPF (compte personnel de formation) coconstruit » : moyennant des échanges bien menés en amont, une formation utile à la fois à l’entreprise et au salarié peut faire l’objet d’un cofinancement gagnant-gagnant.

 

S’APPUYER SUR LES PARTENAIRES DE L’EMPLOI ET DE LA FORMATION POUR LA MISE EN OEUVRE ET LE FINANCEMENT

Décidément, pas le temps de s’y plonger ? Pas de souci, des réseaux de conseillers sont à la disposition des entreprises de géomètres-experts pour les accompagner dans l’identification des  meilleures solutions. Avec les financements à la clé…

En premier lieu, l’opérateur de compétences Atlas. Il finance les formations de la branche, apporte conseil et aide au montage des parcours. « Atlas accompagne la profession dans tous ses sujets emploi et formation », fait valoir Isabelle Fleury, conseillère branche professionnelle des géomètres-experts à l’Opco Atlas. « Nous avons tout un réseau de conseillers en région qui accompagnent les entreprises en matière de conseil en ressources humaines et de montage d’actions de formation », complète Magali Rasamison, déléguée régionale Paca-Corse pour l’Opco. En parallèle, les agences Pôle emploi se mobilisent pour la profession. « Les employeurs ne doivent pas hésiter à déposer leurs offres d’emploi et demander à bénéficier des services de nos conseillers entreprises », conseille Hervé Jouanneau, responsable du département conseil en formation à la direction générale de Pôle emploi. « A partir de l’expression du besoin de l’employeur, l’agence s’implique alors dans la recherche des demandeurs d’emploi, les informe, les sélectionne, finance leur formation avant l’embauche. »

« Ils ont désigné une agence référente de la profession pour la région Paca », s’enthousiasme Patrick Henry, président de l’UNGE régionale Paca. « Nos interlocuteurs connaissent maintenant très bien nos métiers, et nous dénichent les meilleurs profils pour les formations que nous montons avec eux. »

L’UNGE n’est d’ailleurs pas en reste pour conseiller les géomètres-experts. Elle bénéficie de toute l’expérience acquise lors de la conception et du déploiement de son plan stratégique formation : identification et mobilisation des réseaux de partenaires, rénovation des diplômes et titres, recherche de financements, etc. Autant d’atouts qu’elle place maintenant dans les mains des entreprises de géomètres-experts.

 

Dossier rédigé par Ambroise Bouteille pour l’UNGE.
Dossier publié dans le mensuel Géomètre n° 2210, février 2023