Accompagner les entreprises de la branche, c’est aussi les aider à diversifier leurs processus de recrutement. En effet, parce que les besoins évoluent, la façon de recruter doit changer.

La diversité des métiers de la profession, le haut niveau d’expertise de certains ou encore la rapidité de leur évolution doivent inciter les géomètres-experts à aller vers des publics aux profils qui peuvent sembler atypiques ou éloignés. Y compris vers des professionnels aguerris, issus d’un univers différent, dans le cadre d’une reconversion professionnelle. Cela peut sembler complexe, voire risqué, cependant des solutions probantes existent.
Afin d’aider les entreprises à recruter des candidats opérationnels sur des postes spécifiques, pour lesquels peu de profils correspondent, France Travail (qui remplace Pôle emploi depuis le 1er janvier 2024) propose deux dispositifs de formation préalable à l’embauche: la préparation opérationnelle à l’emploi individuelle (POEI) et la préparation opérationnelle à l’emploi collective (POEC). Ces solutions permettent de former les candidats aux spécificités des postes à pourvoir, avant leur prise de fonction.

 

Des profils à affiner pour être opérationnels

La POEC est par définition une formation collective, elle vise à former plusieurs demandeurs d’emploi aux compétences identifiées en amont par une branche professionnelle, et attendues par des entreprises sur un territoire donné. Le plan de formation est en étroite relation avec les perspectives d’embauche, puisqu’il doit garantir un minimum d’insertion dans l’emploi. Assorti d’un temps de formation en entreprise, le dispositif permet également de sécuriser les recrutements en proposant une phase d’intégration progressive.
La POEI est quant à elle particulièrement efficace dans le cadre de recrutements pour lesquels l’entreprise peine à trouver des candidats qualifiés, parce que très spécialisés ou évoluant rapidement. Or, certains demandeurs d’emploi ne sont pas si éloignés des métiers de la branche. Le dispositif permet de former ou simplement de mettre à niveau les profils repérés comme intéressants, mais qui ne sont pas suffisamment opérationnels pour une entrée en fonction immédiate, afin de les faire correspondre au poste à pourvoir.
Ces dispositifs, qui ont fait leurs preuves ces dernières années dans de nombreuses branches, doivent désormais être considérés comme des leviers essentiels pour répondre aux besoins de recrutement des entreprises de géomètres-experts. Certaines régions comme l’Ile-de-France et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur en ont récemment fait l’expérience. Le déploiement se poursuit en Auvergne-Rhône-Alpes, en Occitanie ainsi qu’en région Nouvelle-Aquitaine.

 

POE, « un tremplin » pour les candidats

 

Le centre Afpa de Marseille – La Treille a accueilli en novembre 2022 la première promotion de demandeurs d’emploi désireux d’intégrer des entreprises de géomètres-experts. La formation, conçue en étroite collaboration avec l’Opco Atlas, s’est organisée autour d’une préparation opérationnelle à l’emploi (POE) collective, d’une durée de trois mois, suivie d’une POE individuelle de six mois, incluant un stage en entreprise de quatre semaines. Retour d’expérience avec une lauréate recrutée depuis par un cabinet de géomètres-experts.

 

Composée de trois modules (1), la formation a accueilli une dizaine de candidats en reconversion qui ont pu accéder ainsi au titre professionnel de «Technicien.ne géomètre en cabinet». Parmi ces lauréats: Noémie Derône, initialement diplômée en urbanisme et coopération internationale. Travaillant déjà dans le domaine du bâtiment, elle était en contact quotidien avec de nombreux métiers. C’est de cette façon qu’elle a découvert celui de géomètre-expert. Se sentant plus en phase avec ce métier et souhaitant retourner vers le terrain, elle a alors décidé d’entamer une reconversion professionnelle, et a choisi de se diriger vers la formation nouvellement proposée par l’Afpa de Marseille, faisant ensuite valider sa candidature par son conseiller de France Travail (ex-Pôle emploi). Neuf mois plus tard, son titre professionnel en poche, Noémie était recrutée par l’entreprise de géomètres-experts au sein de laquelle elle a effectué son stage.

(1) «Produire des documents constitutifs d’une opération foncière ou immobilière», «Produire en DAO des plans topographiques de bâtiments et d’infrastructures», et enfin «Réaliser les opérations topographiques et les plans associés spécifiques aux infrastructures dans le cadre de missions de maîtrise d’oeuvre de conception ou de la réalisation d’un chantier».

 

Rester proche du monde du travail

A la lumière de ce parcours réussi, que pense-t-elle des POE? Pour la jeune femme, il s’agit avant tout d’un mode d’apprentissage «qui demande une grande autonomie» doublé d’une forte capacité à prendre des initiatives. «La formation était très pratique, souligne-t-elle, et de cette pratique découlaient les explications théoriques.» Noémie Derône a pu s’appuyer sur deux atouts qui lui ont facilité la tâche: une solide méthodologie de travail, acquise lors de son expérience professionnelle antérieure, et des études initiales réalisées dans un domaine d’activité relativement proche. La jeune femme indique avoir particulièrement apprécié «l’aspect très professionnalisant de la formation, ainsi que sa durée relativement courte». Deux éléments essentiels qui permettent aux actifs en reconversion de ne pas rester trop longtemps éloignés du monde du travail. Une formation très concrète, donc, qui a permis à la jeune femme, lors de sa prise de poste, de disposer des connaissances de base nécessaires et de saisir exactement ce qu’on attendait d’elle.
Evidemment, elle a pu ressentir «un manque d’expérience sur certains sujets» lors de sa prise de fonctions. «Mais comme dans tout nouveau métier lorsqu’on débute, ni plus ni moins», nuance-t-elle. En poste depuis trois mois seulement, elle apprécie de se voir déjà confier des missions plus importantes, signe selon elle de la confiance que semblent désormais lui accorder son employeur et ses collègues. Noémie Derône assimile la POE à «un tremplin» qui lui a donné accès au métier de son choix. Si l’expérience a été très concluante pour elle, elle recommande cependant aux personnes qui souhaiteraient intégrer ce dispositif «d’avoir un projet bien défini, une bonne connaissance du métier vers lequel ils se dirigent, sans oublier l’essentiel: une véritable motivation».

 

Dans la profession par véritable choix

Ce sont justement cet engagement et cet objectif clairement définis qui ont plu à son maître de stage, devenu depuis son employeur. André Ombre, géomètre-expert, exerce à Marseille depuis de nombreuses années. Confrontés à des difficultés de recrutement, ses associés et lui ont fait la connaissance de Noémie Derône lors d’un «job dating» organisé par l’Afpa de Marseille. Sa formation de base en urbanisme, proche de la profession, son projet personnel et sa détermination les ont convaincus de régulariser une promesse d’embauche, préalable indispensable à l’entrée dans le dispositif de POE. André Ombre s’en félicite aujourd’hui et affirme qu’il n’hésiterait pas à avoir de nouveau recours à cette méthode de recrutement. «Ces candidats, qui ont déjà été en contact avec le monde professionnel, connaissent la vie d’entreprise et éventuellement le travail sur chantier, ils sont plus vite opérationnels que ceux issus de la formation initiale», observe-t-il. Arrivés dans la profession par véritable choix, ils sont également «plus investis et motivés», constate le géomètre-expert. André Ombre en a été le témoin direct, l’Afpa ayant fait appel à lui en qualité de formateur.
Ces retours d’expérience vont permettre d’améliorer la formation. Le programme dispensé à l’Afpa sera renouvelé sur des bases similaires, avec toutefois une première modification: la période de stage sera plus longue afin de rendre les stagiaires pleinement opérationnels lors de l’embauche. André Ombre recommande aujourd’hui vivement à ses confrères de recourir aux dispositifs de POE. Il rappelle en outre qu’il est primordial de former dès aujourd’hui les futurs collaborateurs des cabinets, et qu’il peut être opportun de profiter d’une période de plus faible activité pour se préparer, afin d’être en mesure demain d’embaucher des collaborateurs performants.

 

Retrouvez la suite du dossier sur ce lien.

 

 

Dossier rédigé par Mélanie Biville Bindelli pour l’UNGE.
Ont participé à la réalisation de ce dossier :
Cécile Taffin (présidente de l’UNGE), Régis Lambert (président d’honneur de l’UNGE et membre de la CPNEFP), Lise Najab (chargée des territoires et de la communication à l’UNGE).
Dossier publié dans le mensuel Géomètre n° 2221, février 2024